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Mon amour pour le Japon et Tôkyô
5 juin 2005

Takuboku Ishikawa ( 1886 - 1912 ), poète



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En 1938, Georges Bonneau écrit "Takuboku meurt à vingt-sept ans, ayant, du fond même de la misère humaine, jeté vers le ciel trop haut et la terre trop sourde la plainte la plus désespérée de toute la poésie japonaise."

Je voue une grande admiration à ce poète, qui a su mieux que quiconque traduire la souffrance que j'éprouvais il y a encore quelques années envers mon enfance et le déracinement du lieu où j'ai grandi... Mon image du déracinement est celle d'un enfant, planté dans le sol où il a grandi et qui un jour de déménagement en est arraché violemment, laissant en terre une jambe cassée au niveau de la cuisse, restant handicapé pendant trés longtemps.

Cette note a pour but de vous faire découvrir ce grand poète japonais qui est trés accessible aux occidentaux. La poésie de Takuboku n'est ni elliptique ni élitiste, elle parle simplement de la vie de tous les jours, de la tristesse, des regrets, du temps qui passe avec des mots simples. En seulement quelques mots les images prennent corps, les émotions sont palpables et on replonge avec Takuboku dans notre enfance. Tel est le pouvoir du poète, abolir le temps et faire remonter des tréfonds d'anciennes blessures. En quelques lignes, de façon intense et parfaite, les tourments du coeur sont exposés à vif.


Notes biographiques
Takuboku Ishikawa est né le 20 Février 1886 près de Morioka dans la province d'Iwate au nord-est du Japon. Takuboku est un brilliant étudiant puis il se détourne des études et animera plusieurs mouvements contestataires dans son lycée. En 1902, après avoir été découvert trichant aux examens il quitte l'école sans diplôme.
A 17 ans, plusieurs de ses poèmes sont déjà publiés dans la revue Myojo.
En 1906, il obtient un poste d'instituteur à Shibutami.
Le 13 avril 1912, Takuboku Ishikawa décède de la tuberculose dans sa vingt-septième année, peu après sa mère morte en mars.


Trois recueils de poèmes de cet écrivain sont disponibles chez Arfuyen

Fumées
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Ceux que l'on oublie difficilement
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L'amour de moi
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Extraits de la préface d'Alain Gouvret de "L'amour de moi" chez Arfuyen
"Dans "Fumées", des souvenirs reviennent semblables aux nuées qui s'élèvent dans le ciel de la capitale. Les poèmes témoignent de l'attachement au pays natal et à l'enfance mais aussi du déchirement du départ.
"Ceux que l'on oublie difficilement" remémore les errances dans les régions froides du Hokkaido ainsi que ceux, amis ou rencontres, qui ont marqué le jeune poète.
"L'amour de moi" s'inscrit dans une veine plus personnelle encore. Takuboku note les émotions qui se présentent à lui au gré de la mémoire ou du vécu quotidien.

La tristesse accablante qui émane de nombreux poèmes évoque davantage la condamnation d'un système générateur de souffrances et de malheurs que la sensibilité à l'impermanence des choses que l'on trouve dans la poésie classique japonaise."

Takuboku utilise le Tanka plutôt que le Haiku. Le Tanka est formé de trente et unes syllables selon l'ordre suivant 5/7/5/7/7. Pour rappel, le haiku, bien plus connu en Occident, est le premier vers du tanka..


Petite sélection de poèmes, j'espère que vous apprécierez ces merveilles!

Par les fenêtres du wagon
jusqu'à trois fois j'ai regardé ces noms de villes
qui me furent familliers


Ce poème chinois d'une stèle
sur le sentier des paturages des monts Hakodate
même cela je l'ai un peu oublié

Elle attendait de me voir ivre
pour alors chuchoter
diverses choses tristes


Je voudrais à nouveau m'appuyer au rebord
du balcon
de l'école de Morioka

Comme cerf-volant au fil coupé
l'allégresse de mes jeunes années
s'en est allée au vent


Comme un fauve qui souffre
mon esprit s'apaise
quand j'entends parler du pays

La balle
que j'avais lancé sur le toit de l'école
qu'est-elle devenue


De retour au pays cette douleur en moi
la route a été élargie
le pont est neuf

Je finis cette note en insistant sur deux poèmes que j'apprécie plus particulièrement

De retour au pays cette douleur en moi
la route a été élargie
le pont est neuf
Je remonte quelques années en arrière, cinq, six ans... de retour chez moi, l'intérieur de la gare avait été refait; disparu le charme de ce bâtiment d'une sous-préfecture de province, remplacé l'ancien guichet par un nouveau impersonnel et morne type gare RER. Quelle tristesse, même cela disparait, le pays change, se transforme et c'est douloureux.


Ce poème chinois d'une stèle
sur le sentier des pâturages des monts Hakodate
même cela je l'ai un peu oublié
On fera attention au "Même cela", sous-entendant beaucoup plus qu'une première lecture ne le laisse supposer. Premièrement il signifie qu'il a oublié énormément de choses et pas seulement ce poème chinois, ensuite qu'il croyait que certains souvenirs résisteraient au temps. Quelle cruelle déception et chagrin cette "trahison" a du être pour lui. A plusieurs reprises j'ai ressenti la même angoisse, toujours quand un souvnir enfoui de mes jeunes années refaisait surface, au détour d'une chanson, d'une photo... C'est moins douloureux aujourd'hui, est-ce un bien, est-ce un mal?

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