Mamoru Oshii : livre Rencontre(s) chez Les moutons électriques
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Le livre "Rencontre(s)", paru chez Les moutons électriques en 2021, est consacré à l'iconique réalisateur d'animation japonaise Mamoru Oshii. Il s'agit là d'un livre avec plusieurs rédacteurs, chacun traitant un thème bien précis.
Le gros point fort, ce sont les 70 pages d'interviews du réalisateur, enregistrées de 2006 à 2020 par Stéphane Sarrazin. Le seul point faible concerne quelques analyses dans la partie "Rencontre avec ses thèmes" où le lecteur lambda peut se perdre dans des réflexions parfois trop pointues, voire hermétiques.
En dehors de cette remarque, ce livre est indispensable pour tout fan de Mamoru Oshii, bien sûr, mais aussi pour les fans d'animation en général tant ses réflexions sur son métier sont passionnantes et les anecdotes nombreuses. Très riche, une deuxième voir troisième lecture ne sera pas de trop :-)
Auteurs : ouvrage collectif dirigé par Victor Lopez
Éditeur : Les moutons électriques
Date de sortie : octobre 2021
Nombre de pages : 272
Prix : 27€
Dimensions : 21 * 21cm
Couleurs : oui
Couverture, 4ème de couverture et sommaire.
Il est dommage que pour la partie "Rencontre avec ses thèmes", le nom des rédacteurs n'apparaisse pas. Les voici donc : Julie Proust Tanguy, Kephren Montoute, Philippe Bunel, Yangyu Zhang, Stéphane Sarrazin, Justin Kwedi, Dick Tomasovic, Elias Campos.
Pour chaque série animée sur laquelle Mamoru Oshii a travaillé, le livre dresse de façon exhaustive tout ce qui a trait à celle-ci : mangas, séries animées, films, OAV, romans, jeux vidéos, projets en cours... j'ai été bluffé par les listes sur Patlabor et "Ghost in the Shell" ; ces deux univers sont en effet bien plus vastes que ne le croient les non-spécialistes (dont je fais partie...). Ils sont d'ailleurs si riches qu'on s'y perd facilement sur le Net, c'est pourquoi ces listes sont précieuses, puisque, à ma connaissance, aucun site ne détaille à ce point, et de façon aussi synthétique, ces univers.
Pour beaucoup de monde, Oshii est et restera le créateur de "Ghost in the SHell", chef-d'œuvre absolu de la S.F., ayant fortement inspiré les frères Wachowski pour Matrix. ATTENTION : le manga est de Masamune Shirow, c'est lui le père de cet univers MAIS les trois films (en comptant le remake de celui de 1995) sont de Oshii et ce sont eux qui ont été vus par, je ne sais, combien de millions de personnes.
Il a aussi participé à d'autres œuvres iconiques de l'animation japonaise, comme Urusei Yatsura (Lamu) de Rumiko Takahashi, où il réalise pas moins de 106 épisodes et deux films.
Sur cette série, son coup de maître est la réalisation du deuxième film, "Beautiful Dreamer - Un rêve sans fin", en 1984 http://japon.canalblog.com/archives/2021/11/27/39237851.html. Mais, comme il le dit page 129, Takahashi n'a pas du tout apprécié la vision très personnelle donnée à son œuvre, à savoir un film mélancolique, contemplatif, introspectif, sans aucun des ressorts comiques survitaminés typiques du manga. Et ce qui devait arriver arriva, Oshii s'est fait vertement remonter les bretelles par la mangaka ; rien que pour ce genre d'anecdote, ce livre est précieux.
Petit rappel, Oshii a aussi réalisé le premier long métrage de Urusei Yatsura "Only you". Mais il a été tellement surveillé par la production, qu'il n'a pu insuffler dans celui-ci aucune touche personnelle, ce qui fait que le film demeure de ce fait très quelconque et oubliable.
Ses confidences sur L'œuf de l'ange, long métrage onirique et mystique (la fameuse patte Oshii), valent leur pesant d'or http://japon.canalblog.com/archives/2021/07/16/39060417.html. Selon lui, seulement 2 000 personnes ont vu ce film au Japon, et quasiment personne ne l'aurait apprécié... Oshii ne précise pas pourquoi, mais son côté hermétique est, avouons-le, très déconcertant. Le film est magnifique, très beau, mais aucune réponse n'est apportée aux multiples interrogations quand on le visionne, ce qui est toujours frustrant et énervant.
Personnellement, j'ai adoré le passage sur les layouts et les décors des films d'Oshii, créés à partir des photos du photographe Haruhiko Higami.
Les décors d'un anime ayant toujours eu pour moi une très grande importance, je vous invite à lire les articles suivants pour bien percevoir combien ils sont capitaux pour créer une atmosphère qui est très représentative de l'animation japonaise :
- Makoto Shinkai : les décors de "The Garden Of Words" http://japon.canalblog.com/archives/2020/06/07/38352753.html
- Makoto Shinkai : les décors de "Your name" http://japon.canalblog.com/archives/2020/07/02/38407081.html
- Makoto Shinkai : les décors de "5 centimètres par seconde" http://japon.canalblog.com/archives/2020/10/02/38566875.html
- Kimagure Orange Road (KOR - Max et Compagnie) : les superbes décors pastel de la série http://japon.canalblog.com/archives/2021/02/07/38802323.html
- Evangelion : 3.0+1.0: Thrice Upon A Time - les décors et les trains http://japon.canalblog.com/archives/2021/10/08/39168838.html
- Amer béton : les décors de la ville http://japon.canalblog.com/archives/2022/06/07/39509537.html
De façon encore plus spécifique, le travail des layouts des films "Ghost in the Shell" et Patlabor est analysé et richement illustré dans le livre "Anime Architecture" consacré à l'architecture des métropoles de plusieurs films d'animation japonaise http://japon.canalblog.com/archives/2022/06/15/39519738.html
Vient ensuite la mention d'un concept fondamental dans les séries et mangas, celle de Ma. Ce mot désigne une pause silencieuse dans l'action, un intervalle permettant la respiration loin de l'agitation et du tourbillon de la vie. En général, ce sont, dans les mangas, des cases sans un seul être humain, composés de rues, d'arbres, de nuages, ou alors ces êtres sont silencieux, perdus dans leurs pensées. Le grand Mitsuru Adachi s'en est fait une spécialité :
- "Short Program", le chef-d'œuvre de Mitsuru Adachi? http://japon.canalblog.com/archives/2010/03/07/17150709.html
- Les rues du Japon dans les mangas - calme, sérénité et zen http://japon.canalblog.com/archives/2014/10/05/30709600.html