Butô, la danse des ténèbres
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Le butô : un corps blanc entouré de ténèbres
Le Butô, Butoh ou Ankoku Butoh "Danse des ténèbres", est une danse d'avant-garde inventée par Tatsumi Hijikata dans le Japon underground de 1959. Révolutionnaire, le Butô voulait changer de nombreuses idées esthétiques et conservatrices et bousculer violemment l'establishment. Dans sa forme le butô s'opposait fortement à l'influence occidentale du ballet classique et de la danse moderne rnais aussi aux formes artistiques traditionnelles du Japon comme le Nô ou le Kabuki. Cette danse moderne provoqua un véritable choc, surgissant 14 ans après Hiroshima et Nagasaki, 14 ans après le traumatisme de la défaite de 1945 qui fut vécu comme un cataclysme politique, économique, social et culturel. Cette défaite, la première du Japon dans son histoire, l'a obligé à s'ouvrir en grand au monde occidental mais cela ne se fit pas sans mal, les deux mondes étant trop différents.
Le mouvement de la « danse des ténèbres » préfigurait le soulèvement de la jeunesse japonaise contre les excès de cette influence, surtout américaine, subie pendant plus de 10 ans. Ce soulèvement social révélait un désespoir profond, le peuple japonais se sentait toujours envahi, déraciné, humilié et devait renouer avec ses ancêtres, avec son histoire profonde. Le butô devenait même une protestation contre le modernisme.
[EDIT 29/10/2011]
Des photos de bien meilleure qualité ici : http://medeeenfurie.com/blog/2011/06/05/butoh-danseurs-dans-les-tons-de-lobscurite-dancers-in-shades-of-darkness/
Grimaces, chamanisme...
La nature du butô tient essentiellement en la personne de Hijikata Tatsumi, créateur du Butô né en 1928 et mort à 58 ans en 1986, et à Kazuo Ôno, cofondateur et grand promoteur de cette nouvelle danse. Les premiers spectacles de Tatsumi Hijikata étaient inspirés par des textes de Genet, Lautréamont, le marquis de Sade... autant dire que le Butô est né dans une odeur de soufre. Ce "théâtre de la révulsion, de la convulsion, de la répulsion", que tourmentent "des corps recroquevillés, larvaires, tordus, électriques, immobiles" selon les mots de jean Baudrillard, aura été le révélateur d'une société japonaise en pleine mutation.
La première pièce de Butô s'appelle Kinjiki "Abstinence" par Tatsumi Hijikata d'après la nouvelle de Yukio Mishima. La pièce parlait du tabou de l'homosexualité et se terminait par l'accouplement sur scène de Yoshito Ôno ( le fils de Kazuo Öno ) avec un poulet vivant avant son égorgement! La pièce outragea le public à un point tel qu'elle provoqua le bannissement de Hijikata du festival où fut joué Kinjiki, faisant de lui un paria et un iconoclaste. Hijikata développa ensuite un language poétique et surréaliste appelé butoh-fu ( fu signifiant "mot" en japonais ) pour aider les danseurs à se transformer lors de leur prestation en empruntant ce vocabulaire composé de gestes et expressions types.
Hijikata Tatsumi, le créateur du Butô!
Kazuo Ôno, le grand promoteur du Butô
En quarante ans le butô révolutionnaire, dadaïste, marginal, s’est diversifié et a acquis une certaine reconnaissance à l'étranger avec notamment Carlotta Ikeda et Sankai Juku. Le statut du Butô est donc maintenant ambigüe car s'il est reconnu à l'étranger, cela fait plus de 20 ans que Sankai Juku joue à Paris, il reste confidentiel au Japon et mal connu. Le butô n'échappa pas à un certain effet de mode de la part des européens et américains; aujourd'hui encore le japon fascine même s'il est difficile pour nous autres français de comprendre ce qui fonde ce pays. Dans les années 80 on assista à l'apparition du post-butô dans lequel les mouvements, résolument contemporains, expriment une révolte nouvelle.
Homme et femme, seuls dans l'univers!
Le Butô, de Bu "la danse" et de To "fouler le sol" permet de communiquer avec la terre, les ténèbres, les forces cachées qui nous entourent, résidentes d'un univers parallèlle, tapies dans les profondeurs de la nuit. C’est un appel aux forces de l’au-delà. Il dévoile le caché, la mémoire ancestrale, ce qu'on appelle l'archéomémoire. C’est une danse qui relie la Mort à la Vie, un passage perpétuel du Néant à la Vie et de la Vie au Néant. La métamorphose de ces états est retranscrite par une lenteur extrême des mouvements, un dépouillement total de la Forme pour arriver à l’Etre profond. On dit souvent que le Butô, c’est frapper ou griffer le sol du pied pour en faire jaillir les esprits, sortis de la Terre-mère, grande enfouisseuse de nos ancêtres. Les mots qui peuvent définir le Butô : transe, lucidité, folie blanche, extase, gros plans de visages grimaçants, postures grotesques, corps blanchis, collection de difformités exotiques et inquiétantes.
Sankai Juku, la compagnie la plus connue à l'étranger
Le Butô utilise un langage corporel minimaliste dégagé des codes gestuels, des implications socioculturelles et politiques traditionnels. Il s’oppose en outre à un certain jeu psychologique de l’acteur. C'était à l'époque un nouveau style de danse, primaire, dénué d'artifice, la vie concentrée dans une forme nouvelle. Pas de costume, pas de décor ou réduit au minimum, la seule "extravagance" est le corps quasi-nu peint en blanc ou gris façon cendres et le crane rasé. Le butô célèbre les rites de la vie : la naissance, la passion amoureuse, la douleur, la mort, l'absence, le désespoir. Mélange de danse, de théâtre, de pantomime, d'improvisation, c'est la quête des abysses, des abîmes plus que des cimes qui semble plutôt être le lot de la danse européenne. Le butô cotoie l’érotisme, l’androgynie; il retourne aux anciens rites shintos et frôle le chamanisme; il expose sans vergogne des corps à nu, de façon crue et n’est pas exempt d’une certaine sauvagerie, d'un retour aux forces fondamentales. Le corps est à la fois humain, animal, végétal, minéral, en constante transformation, naissant, se développant sous nos yeux, grandissant et, bien sur, mourant après avoir effectué son voyage intèrieur. Le butô est aussi l'expression de la nostalgie de la fusion terminée de l'homme et de la nature, du féminin et du masculin, de cette nostalgie dont on se souvient et qui fait souffrir.
La lenteur du geste permet toutes les interprétations, c'est ce qui m'a le plus fasciné dans les spectacles que j'ai pu voir. Voir Sankai Juku c'est immédiatement plonger dans leur univers, celui des espaces cosmiques, on est hors du monde, on assiste à la naissance d'un univers, à la découverte par des hommes de l'espace qui les entoure, de leur existence propre... Et cette lenteur dans les gestes, ce calme, cette découverte des gestes élémentaires par les danseurs sous nos yeux, tout celà provoqua en moi un choc culturel semblable à ma première pièce de Nô.
Carlotta Ikeda
Ma première rencontre avec le Butô remonte au 07 mars 1997 à la Maison des cultures du monde, dans le cadre du festival de l'imaginaire avec un spectacle appelé "Danse post-butô". Le 17 juin 1998 c'est Carlotta Ikeda que je découvre, avec son spectacle "Waiting" au théâtre de la bastille. Spectacle revu le 21 novembre 1999, dans le même théâtre suivi le 26 du spectacle "Haru no saiten". Le 20 janvier 2007 je l'ai admirée à nouveau avec plaisir au théâtre Sylvia Montfort dans les spectacles "Zarathoustra variations" et "Faits d'hiver". La troupe mondialement connue, Sankai Juku, je l'ai admirée le 22 décembre 1998 au théâtre de la Ville de Paris. Ce fut un tel choc que je les ai revus le 26, soit 4 jours plus tard, ainsi que le 15 mars 2000 pour le spectacle "Unetsu". A noter le festival de butô annuel de l'espace Bertin Poiré, dans le centre de Paris.
Recueil japonais de photos des différentes compagnies de danseurs
Livre français sur le Butô, à réserver aux danseurs car les thèmes abordés sont très techniques
Recueil français de photos sur Sankai Juku
Recueil français de photos sur Carlotta Ikeda
Partie multimédia
Un extrait d'un spectacle de Sankai Juku sur Youtube
http://www.youtube.com/watch?v=3UuwLjlpR-c
Lien vers wikipedia France http://fr.wikipedia.org/wiki/Buto