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Mon amour pour le Japon et Tôkyô
27 janvier 2013

Goldorackett - Article sur Goldorak dans Lui numéro 182 de Mars 1979

 

 

 

 

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Dans le numéro 182 de Mars 1979 de la revue Lui, l'article "Goldorackett" de Louis Valentin dénonce l'hyper exploitation commerciale du célèbre dessin animé japonais Goldorak vis à vis des enfants mais aussi le tourbillon médiatique et économique qu'il déclencha en juillet 1978 quand il arrivé sur Antenne 2 dans Récré A2.

L'article est à charge, ironique et cynique avec un ton grinçant mais, très intéressant aussi, on apprend beaucoup de choses sur Jacques Canestrier, sur l'arrivée de Goldorak en France, la francisation des attaques, le fait qu'on aurait pu voir d'autres dessins animés japonais à la télévision française bien plus tôt si on l'avait écouté et aussi comment ce succès fut, selon l'auteur de l'article, minutieusement planifié par les japonais...

Et, surtout, cet article est sorti moins d'un an après l'arrivée de Goldorak en France, ce qui en fait un témoignage à chaud sur la première vague de japanimation dans notre pays.

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"Tout ça, c'est une question de génération. Pour les parents qui s'épanchent sur leur passé, Gueule de rat c'est le fascisme en habit spatial... Pour les petits enfants du siècle, Goldorak, c'est le «robot des temps nouveaux», pas du tout un tueur de l'espace, mais un «ami des hommes». Et ça marche! C'est super-manne.
 
Il court, il court Goldorak! Formidable robot des temps nouveaux, héros des enfants à lecture globale et mathématique moderne, génie qui a fait remiser le skate-board derrière les livres intacts de la Bibliothèque verte, le meccano de Noël encore sous cellophane. Malgré les rimes grippales de Pierre Delanoë interprétées par le cachexique prodige Noam, le disque Goldorak a fait pâlir, cette année, un autre héros né de la paléontologie du gramophone : «Petit papa Noël». Cinq cent, six cent, huit cent mille exemplaires vendus. Certains disent un million. Barclay, lui, ne dit rien mais ses yeux et son cigare lancent des étincelles de bonheur lorsqu'on parle de Goldorak. Il est devenu son second Aznavour. Les psychologues, les psychiatres, tous les coupeurs de « psi » en quatre se jettent sur leurs divans, farfouillent dans leurs ego afin de découvrir les raisons pour lesquelles ce robot en plastique, « astéro-hache » au poing, a supplanté papa, maman, la bonne, le moi. Goldorak fait pleurer Blanche Neige, Zorro, Invahoé, Robinson des Bois et Robin Crusoé (on ne sait plus). Devant lui, Petit Poucet se sent perdu et Alice ne croit plus aux merveilles...

Goldorak serait certainement resté dans sa boîte, à Tokyo, si un méridional garanti 100% accent et farigoule n'était allé le chercher « fulguropoing » dans les ateliers de la Toei Animation, la plus grosse boîte de dessins animés japonais, et ne l'avait imposé « hélico-punch» à la Télévision française... Ce méridional s'appelle Jacques Canestrier. Retenez bien son nom.

 

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Tout passe par les arrière-boutiques des fabriquants de jouets, de T-shirts, de moutardes, qui en ont fait la plus florissante affaire des vingt dernières années...

Dans quelques décennies, il supplantera celui de Charles Martel, de ses Arabes, de Poitiers.

Directeur de production, directeur des programmes télévision pour le Tiers-monde, producteur privé pour le compte du cinéma et de la télévision, Canestrier lance avec Yves Ciampi « Oum le Dauphin » qu'il fait fabriquer au Japon et que les télévisions s'arrachent. A  une époque où le cinéma s'emmêle la pellicule, où la télévision, alors dominée par la Sfp, cherche son second souffle, où la vidéo-cassette montre à peine le bout de son nez, Jacques Canestrier monte sa propre boîte sans apports, ni fortune personnelle. Il est bosseur. C'est tout. En France, quand on n'a pas d'argent, il faut une idée et, Eurêka, Canestrier a la sienne. Il part pour le Japon, achète un dessin animé intitulé Grendizer, le rebaptise Goldorak, le coupe en épisodes, intéresse une multitude de fabricants qui sortent aussitôt une série impressionnante de produits dérivés. Puis Canestrier échafaude un merchandising à l'américaine et prépare des vidéo-cassettes et un long métrage à la gloire de son héros. L'avenir du cinéma ne se passe plus au Fouquet's mais à bord de la Japan Air Lines, et surtout dans l'arrière-boutique des fabricants de jouets, de tee-shirts, de cartes postales, de moutardes, de posters, chez tous ceux qui ont fait de Goldorak la plus florissante affaire commerciale de ces vingt dernières années.

Aujourd'hui, Antenne 2, la chaîne miracle du président Ullrich, batifole de tous ses maillons. Dans les bureaux et surtout dans tous les couloirs, le jeu consiste à savoir qui a eu le nez suffisamment bien fait pour coincer ce Goldorak qui pulvérise, par son écoute, les autres chaînes. C'est moi, c'est pas lui, c'est nous. Qui ? A la fin, qui ? Jacques Canestrier n'aime pas la question. Il se contente de bredouiller : « A plusieurs reprises, à l'époque de l'Ortf, j'avais proposé des dessins animés japonais qui s'inspiraient de la bande dessinée. C'était alors une innovation et je pensais que les responsables de la Télévision y seraient sensibles. On m'opposa un refus catégorique. Un téléviseur est un jouet cher qui ne peut être manipulé par des enfants... Les programmes devaient être étudiés pour les adultes et non pour les gosses, rester traditionnels. Après tout, les sales mômes pouvaient très bien rester dans leurs chambres et lire leurs bandes dessinées habituelles.

Puis est survenu l'éclatement des trois chaînes et, avec lui, la concurrence, la volonté d'accaparer le public «jeune». Lorsque j'ai sélectionné Candy et Goldorak, je pensais qu'une des trois antennes pouvait essayer mon produit qui correspondait à ce que les enfants voulaient voir, à l'esprit de leurs bandes dessinées. Guy Maxence et Gérard Calvet, alors chargés des dessins animés pour la jeunesse, me reçurent à A2. Ce fut un rude travail de persuasion. Le graphisme de Goldorak, son animation, relevaient d'une conception trop audacieuse. On l'acheta, mais on le mit dans un tiroir. Lorsque Jacqueline Joubert prit ses fonctions de directrice du Service Jeunesse, elle découvrit mon robot et fit la moue. Il ne correspondait pas à l'idée de la politique qu'elle voulait entamer, d'autant que la nouvelle direction des programmes amorçait une levée de boucliers contre la violence de certains feuilletons étrangers. »


Canestrier est un gentleman. En fait, Jacqueline Joubert qui a du nez mais un nez davantage refait pour les caméras que pour les affaires —, refusa net et sec ce Goldorak qui (sussurraient certaines éminences grises à-copains-à-placer) était d'une violence extrême. Le bleu des missiles mêlé au rouge des éclairs, aux violets in-sou-tenables des hélico-punch et astéro-hache faisait dresser les cheveux sur la tête. On dénicha dans les tiroirs de la Défense pour l'Enfance, une série de vieilles barbes. «Tu me tiens, je te tiens... ». A ce jeu, les barbes découvraient mille qualificatifs : « C'est laid, c'est japonais, c'est incompréhensible, ça fait peur, ça éveille Thanatos, ça émoustille Eros, c'est dégueulasse, malsain, mal fait, contaminé, contaminant. C'est con ». Il est certain que les « corno-fulgure » n'étaient pas faits pour rassurer certains cocus qui se sentaient trahis et voyaient leurs tranches menacées. Malgré tout il faut bien amortir les dépenses Jacqueline Joubert chercha dans ses grilles récemment augmentées par le président Ullrich, une petite place pour Goldorak. Elle le programma le 4 juillet à raison de deux épisodes par semaine. En période de vacances, il risquait de passer inaperçu. Malgré les pronostics d'Albert Simon, juillet fut le mois le plus pluvieux de l'année, les enfants durent rester enfermés devant le petit écran et Goldorak devint, tout à coup, leur soleil...

Jacques Canestrier recevait les honneurs et l'assurance des sentiments les meilleurs de Madame Joubert qui, soudain, trouvait à « son robot-maison », le charme de James Bond, la grâce d'Arsène Lupin, le génie de Jules Verne et un « je-ne-sais-quoi » qui fait le succès des produits William Saurin, l'un des plus gros annonceur de la chaîne. Canestrier essaya bien d'expliquer qu'il était certain du succès, qu'il l'avait testé sur la Rai en Italie, qu'il s'y était taillé un triomphe. La Rai ? Valait mieux oublier. Le succès vient toujours de France, de son Secam et de ses pontes : en l'occurrence Jacqueline Joubert et le président Ullrich. D'autre part, avec Geneviève Coquelin, la responsable du service commercial d'Antenne 2, Canestrier entreprenait une prospection en règle auprès des fabricants de produits pour enfants. C'était au Salon du Jouet 1978. Tout le monde s'arrachait Goldorak. Mais la rogne et la grogne persistait rue Cognacq-Jay. Les syndicats des techniciens d'A2 allèrent jusqu'à placarder des tracts anti-Goldorak : « Goldorak=Amin Dada=Hitler=Fascisme ».
 

 

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A travers le petit écran, Goldorak écrase de sa force le Japonais moyen, indigne de se comparer à lui — à moins de servir corps et âme le consortium qui l'emploie...

Un mot galvaudé qui remplace le « Na ! » de l'enfant à qui l'on refuse une sucette. Goldorak n'échappa au massacre qu'au mois d'octobre. Plus personne n'osait l'attaquer. Il était devenu célèbre. Aujourd'hui, à Antenne 2, on admet que 99,9% du courrier reçu à Récré A2 concerne Goldorak. Goldorak est coté en Bourse, celle des enfants qui consacrent à ses gadgets, tout leur argent de poche. Jacques Canestrier ne connaît même pas le chiffre d'affaires de son robot : « Tout s'est passé si vite ! Je sais que l'on compte environ quatre-vingts produits créés autour de lui. Les éditions Télé-guide furent les premiers à lui faire crédit en lançant un journal. Le N° 1, tiré à 150000 exemplaires, s'est vendu en cinq jours, le N° 2, tiré à 220 000 a été épuisé en quatre jours, le N° 3 (250000 exemplaires) a disparu des kiosques le premier jour... ».

En janvier, Goldorak est devenu hebdomadaire et l'on prévoit déjà une vente d'un million d'exemplaires par mois. Avant Télé-guide, Canestrier contacta les éditions Dargaud. L'éditeur refusa. Il trouvait que le dessin n'était pas à la hauteur de ses productions habituelles. Où va se nicher la considération du jeune public ! Certains racontent que Dargaud regrette de ne pas s'être penché davantage sur la néo-psychologie enfantine. Albums, posters géants, jeux des familles édités par le même Télé-guide ont été épuisés en quelques semaines. Puis cela a été le tour des auto-collants (vingt-cinq millions de pochettes vendues en un mois, tee-shirts, sacoches, blousons, porte-clés, masques, panoplies ont pulvérisé les ventes durant la période de Noël.

Canestrier fait les yeux ronds : « C'est la folie. Tous les jours, les fabricants viennent me proposer leurs offres de service. Amora veut des verres pour sa moutarde, Motta, des emballages pour ses glaces. Un grand parfumeur me téléphone deux fois par jour pour que je lui cède les droits pour une eau de toilette appelée « fulguro-poing ». Un cirque veut acheter mon sigle, un fabricant de chaises-longues veut inonder les plages de sièges sidéraux. Mon bureau est devenu la Foire du Trône. Marchands de réglisses, de bretelles, de chaussures, d'alimentation, font la queue devant chez moi. Mais c'est le robot en matière plastique qui remporte tous les suffrages. Il est fabriqué par la firme américaine Mattel. Son corps est fait à Taïwan, sa tête en Italie. On craint que sa fabrication ne puisse suivre la demande et pourtant plus de cinq cent mille sont prévus pour la France. Suivront des soucoupes volantes, des films super-huit, d'autres robots plus sophistiqués encore, d'autres jeux de société, des Goldorak géants... Je suis obligé de juguler les phantasmes des fabricants qui m'entraîneraient dans la création d'objets qui ne sont pas toujours pour les enfants ou les personnes bien pensantes... »


Antenne 2, qui trouve maintenant que Goldorak est bien fait, touche un tiers des royalties versées par les fabricants sur le prix de gros hors taxe. Cet argent ira au service Jeunesse d'A2 pour enrichir les programmes et acheter d'autres séries de science fiction du même style. Car Canestrier a définitivement ouvert le marché du dessin animé japonais en Europe. Pour deux ans, trois peut-être. Les Nippons ont le chic pour tuer la poule aux œufs d'or. Que s'est-il passé dans leurs petites têtes bridées pour créer ce robot ? Canestrier qui connaît tous les « dan » de la lutte japonaise pour conquérir le marché occidental, a suivi, au boulon près, la gestation de Goldorak. « Les Japonais, dit-il, ont toujours estimé que leur force militaire ou économique venait d'une structure nationale (kokutai) combinant une théorie sociologique de la famille et un irrationalisme mythologique exaltant l'origine divine de la dynastie impérialiste. L'essor de la société industrielle réside toujours dans le maniement conscient de mécanismes économiques et sociaux et dans l'application de la tradition dans la mesure où elle est efficace. Voilà pourquoi tout Japonais dira que, dans le plus petit appareil Akai ou Sony, dans la moindre moto Yamaha ou Kawasaki, dans le moindre objet, pourtant copié sur l'Occident, sommeille un samouraï. L'élégance, la superbe de Goldorak sont les symboles du samouraï que le Nippon a toujours tenté d'imposer au monde occidental. A travers le petit écran, Goldorak écrase de sa force et de son arrogance, le Japonais moyen indigne de se comparer à lui, à moins de... A moins de servir corps et âme le consortium pour lequel il travaille, d'accepter une existence de plus en plus mécanisée dans des conditions de travail insupportables. »

Le hara-kiri. industrialisé. Certains sociologues spécialisés ès-asiatiques (ça existe) soutiennent la thèse suivante : « Goldorak-robot est un samouraï et ne peut être piloté par un simple mortel. Voilà pourquoi Actarus, son aéronaute, sera un extra-terrestre qui devra se métamorphoser en superman pour mériter de tenir les commandes. Il fait étrangement penser à ces kamikazes de la dernière guerre. Goldorak est lui-même un kamikaze. Vos enfants vous le diront. Il ne peut rejoindre sa fusée porteuse si elle vole à plus de trois cent mètres d'altitude. Encore et toujours ce rappel des avions-suicide, de ces héros à la poitrine ceinte de l'écharpe de soie frappée à la fleur de cerisier. Cette douce mythologie permet de faire oublier à ceux qui travaillent pour Goldorak que les objets qu'ils façonnent sont le fac-similé des héros de Star Wars, Rencontre du troisième type, Planète interdite et autres films de science-fiction américains. Qu'importe ! Les grandes firmes nippones connaissent la manière pour endoctriner à des fins commerciales, une main-d'œuvre fataliste. II ne faut pas oublier qu'il est déshonorant de changer plusieurs fois d'employeurs : au Japon, on entre dans une boîte à dix-huit ans. On n'en sort qu'à la mort comme les kamikazes.

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Goldorak a été conçu, par ordinateur, à la suite d'une étude de marketing sur tout ce qui marchait dans la presse dessinée, du Groenland à la Terre de Feu...

La Toei, où les ouvriers attendent cette issue sort six dessins animés d'une demi-heure par semaine, soit six fois plus que Walt Disney. Elle « utilise » deux cents personnes payées à l'année et quatre cents spécialistes rémunérés au coup par coup. Que l'on imagine Hergé, le père de Tintin, épaulé pour chacun de ses dessins, par deux cents ou trois cents assistants ! C'est de cet ordre-là... Résultat : Goldorak ne coûte que dix mille francs la minute alors que soixante secondes de dessin animé français pour la télévision reviennent à trente-cinq ou même cinquante mille francs. Leur défaut : ils se ressemblent tous. Canestrier a croisé plus de dix robots du style Goldorak dans les usines Toei. « II faut espérer qu'ils ne seront pas tous programmés en France. Cela créerait un phénomène de rejet, une lassitude que le public des enfants japonais ne ressent pas. Nourris dans le sérail de l'industrialisation, ils en connaissent et en admettent les détours. Au Japon, tous ces cartoons sont amortis, rentabilisés et bénéficiaires. A la limite, ces énormes consortiums n'auraient pas besoin de vendre leurs produits à l'Occident mais les japonais veulent réussir à tout prix leur conquête américaine et l'on peut penser qu'ils y sont parvenus si l'on considère que les  Etats-Unis ont été récemment contraints de riposter à leur importation massive de produits nippons par une baisse vertigineuse du dollar.

Jamais, jusqu'à ce jour, les Japonais n'étaient arrivés à percer le marché européen au niveau du cinéma ou du feuilleton télévision. Le public occidental n'était pas familiarisé avec les acteurs asiatiques. Alors, ils ont essayé avec le dessin animé où il était facile de faire porter yeux bleus et crinière blonde aux personnages. Cela n'a pas marché non plus. Le monde de l'économie occidentale ressentait une sorte d'allergie aux produits japonais, d'autant qu'ils étaient le plus souvent la résultante d'un espionnage industriel que l'on n'est jamais parvenu à juguler. Goldorak est le premier à avoir réussi son entrée sur la scène européenne. Comme tous les produits japonais, il a été le fruit du travail d'une équipe qui a fait, froidement, une étude de marketing à partir de tout ce qui marchait dans la presse dessinée du Groëland à la Terre de Feu. Informations mises bout à bout, Goldorak a été conçu par l'ordinateur japonais, un ordinateur un peu mièvre puisque tout le monde s'accorde à reprocher à Goldorak d'être un dessin animé de très moyenne qualité. Les personnages se contentent d'ouvrir de temps à autre la bouche et les yeux, les images sont désespérément fixes.

Que sont devenus nos bons Donald d'autrefois ? Canestrier qui décidément à découvert la tactique pour défendre à tout prix son film à la réponse facile : « Un dessin statique, animé au moment opportun, suffit à l'enfant. Si la construction dramatique est bien faite, il saura faire appel à son imagination pour recréer le mouvement. Et c'est précisément ce qui se passe. Demandez à vos fils. Pour eux, Goldorak est très animé, aussi animé qu'un Walt Disney avec ses vingt-quatre images-seconde. Ce qui les fascine, ce n'est pas la technique, c'est l'histoire à laquelle ils participent non seulement en tant que spectateurs, mais aussi en tant qu'auteurs puisqu'ils doivent faire un effort d'imagination et d'invention pour recréer toute une dynamique. C'est le principe de la bande dessinée. L'enfant sait décrypter le langage des dessins, la technique des plongées, contre-plongées, gros plans. Il connaît tous les signes cabalistiques : l'étoile éclatée pour indiquer une explosion, les « swiptch », les « vlaoooum », les « fuifff e », ces onomatopées spécifiques à tel claquement d'arme, tel bruit de pneu, telle vitesse. Goldorak emploie ce langage. Il est un code secret qui n'appartient qu'à l'enfant désireux de rompre avec un traditionnel imposé par ses parents et c'est à cause de cette rupture que les pédagogues et les psychologues se sont penchés sur Goldorak.

Daniel Fabre, ethnologue-folkloriste estime que Goldorak est le signe de la récupération des thèmes apocalyptiques dans la mythologie des gosses, un robot mes­sianique : « Ses dimensions eschatologiques sont bien perçues par l'enfant ». Certains voient dans Actarus, le proto­type du moi atteignant le surmoi. Le langage utilisé dans le feuilleton est aussi l'objet d'analyses. «Métamor­phose », c'est la prise de conscience, « transfert » : l'Oedipe, évidemment. Le tunnel qu'Actarus emprunte pour rejoindre son poste de pilotage, le cordon ombilical, le retour dans le ventre de la mère... D'ici à ce que Goldorak soit programmé à Vincennes sur les bancs des lacanistes, il n'y a qu'un pas. A une époque où tout doit être mis sur carte perforée Goldorak devient, par le canal de quelques torturés mentaux, la résultante d'un trouble neuro-affectif à composante schizophrénique ou panaroïaque de l'enfant. Il est, pour les plus de quarante ans, l'Hitler que les enfants auraient voulu connaître. Il est sur­tout, un mot magique qui sonne comme un coup de clairon.

Jacques Canestrier en explique l'origine : « Lorsque j'ai découvert Goldorak au Japon, il s'appelait Grendizer. Phoné­tiquement, Grendizer sonnait mal. I! fallait trouver autre chose. J'ai aligné sur un bout de papier, les noms de tous les héros qui avaient fait carrière : Drakkar, Zorro, Tarzan, Mandrake, Goliath, Golem, Goldfinger. Pour­quoi ai-je pensé à Goldfinger ? Je ne sais pas, mais ce nom me plaisait. Il correspondait en syllabes à Grendizer et contenait le mot « gold », ce métal qui fascine grands et petits, produc­teurs et aventuriers en herbe à la recherche du trésor. J'ai combiné Goldfinger et Mandrake, le héros que j'ai le plus aimé dans mon enfance. J'ai obtenu Goldanrak. C'est ma fille aînée, Stéphanie, âgée de huit ans, qui a trouvé le nom définitif... Aujour­d'hui, tous les enfants l'appellent Goldo, un diminutif qui prouve qu'il fait partie de la bande des copains.

 

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Un antimilitarisme forcené...

Les noms des autres personnages sont empruntés aux étoiles : ils commencent à faire carrière puisque j'ai reçu à l'époque de Noël, la lettre d'une maman qui m'annonçait... qu'elle avait baptise son fils Alcor ! L'engouement pour Goldorak me ravit et m'effraie en même temps. Qu'elle en est l'alchimie ? Je ne saurais répondre. »

Et les mots un peu op comme hastéro-hache, hélico-punch, cornofulgure ? Quel génie les a découverts ? Les traducteurs et auteurs de la version française, Michel Gatineau et Jeanne Val, qui doublent d'ailleurs respectivement les voix de Procyon et Venusia. On raconte qu'ils se seraient enfermés avec du saucisson et quelques bouteilles de beaujolais et auraient fait avec Canestrier ce que certains apppeleraient élégamment un brain-storming : « Nous nous sommes efforcés de retrouver notre naïveté d'enfant et nous avons joué à inventer des mots selon le système des petits papiers. Nous avons, volontairement, rejeté tout ce qui pouvait rappeler les armes effrayantes découvertes aujourd'hui par la technologie militaire. Nous avions tous un point commun : un anti-militarisme forcené. Cela a donné « fulguropoing », foudre au poing (évocation jupitérienne), « planitrogyre » (raccourci de planétaire et auto-gyre), « auto-largue », « cornofulgure », « hastéro-hache » Quand je pense que l'on m'a reproché d'étaler trop de violence avec ce feuilleton. La vraie violence, c'est le western, quand des hommes tuent d'autres hommes. Là, ce sont des robots qui se détruisent, s'en vont en pièces détachées. Si projeter sa machine à laver le linge contre sa machine à laver la vaisselle est un acte de violence alors, là oui, Goldorak est violent ! Je suis peut-être le seul que cette idée amuse mais je comprends très bien que l'on puisse avoir le culte des machines et des gadgets. Ils sont le symbole, aujourd'hui, de la réussite sociale».

Un mode de pensée que les enfants ignorent.

Louis Valentin.
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