Mishima : biographie de Jennifer Lesieur
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Dimensions : format poche
Pages : 280
Editeur : Folio
Prix : 10€95
Date de sortie : Juin 2011
Avis : 08/10
J'avais rédigé en novembre 2011 un article sur les livres parlant de Mishima "Livres sur le Japon - 04 - Yukio Mishima". Aujourd'hui, je vais parler d'une biographie sur cet auteur, en français, parue en 2011 et rédigée par Jennifer Lesieur. Cette biographe a choisi de faire un déroulé historique, des années 1925 à 1970. On découvre donc les 45 ans de la vie plus que tumultueuse d'un des plus grands écrivains japonais du XXème siècle, et assurément le plus torturé.
Toutes les parties de la vie de Mishima sont tracées, notamment son enfance tragique où il est kidnappé par sa grand-mère, isolé de sa mère, son père, son frère et sa soeur. Il est donc forcé de vivre avec cette grand-mère dans une ambiance malsaine puisque celle-ci est gravement malade, hystérique, jalouse, possessive... bref, ces premières années ont marqué au fer rouge le jeune Kimitake Hiraoka (le vrai nom de Mishima) et lui laisseront des blessures jamais cicatrisées.
Nous passons ensuite à sa vie d'écolier et de lycéen. Là aussi il est tenu à l'écart de ses camarades, à cause d'une constitution physique trop fragile l'empêchant de faire du sport ou même de jouer avec eux. C'est ensuite la seconde guerre mondiale où il évite d'extrême justesse l'enrôlement; cela le marquera aussi à vie, il se reprochera toujours sa lâcheté devant la mort mais aussi la joie vive ressentie à l'annonce du médecin le condamnant à vivre en le réformant. Après c'est la faculté, les études de droit mais le livre va se concentrer sur la carrière d'écrivain de Mishima, le fil conducteur de sa vie.
Nous suivons alors dans le détail la liste des publications de Mishima. Cette nouvelle activité fut difficile, au début, mais aussi à la fin de sa vie, où il n'avait plus le même succès que lors de la publication du fameux "Confession d'un masque". On rappelle qu'il produisait énormément de romans, nouvelles, essais, mais aussi des romans de gare pour femmes au foyer qui furent de grands succès et rapportèrent énormément d'argent à la famille de Mishima (je ne connaissais pas cette anecdote). Cette partie est vraiment intéressante car Mishima, dont l'enfance a été traumatique, semble revivre, à un degré moindre, les mêmes tourments en tant qu'écrivain angoissé, avec la peur du lendemain, de l'échec de ses livres les plus ambitieux...
Je passe sur d'autres évènements comme les voyages de Mishima dans le monde, en Amérique, en France (qu'il a détesté la première fois car il s'est fait arnaquer par un voleur), en Grèce où il découvre enfin le côté positif de la vie avec le Soleil; pendant quelques années, trop courtes, Apollon l'a emporté sur Dionysos.
Et puis c'est la fin des années 60, Mishima se découvre résistant politique, adepte des théories d'extrème-droite et nationaliste, plaçant la figure de l'empereur au dessus de tout. C'est l'affaire de la Tatenokai (la Société du Bouclier), la petite armée personnelle de Mishima, censée sauver l'Empereur en cas de révolution gauchiste. Et puis c'est l'incident du 25 novembre 1970, le suicide de Mishima; selon sa mère, celui-ci a enfin réalisé quelque chose qu'il désirait réellement...
Mon avis
Ce livre est très intéressant car il reprend les grandes et petites étape de la vie de l'écrivain, comme toute biographie qui se respecte. Après l'avoir lu vous connaitrez votre Mishima sur le bout des doigts : son enfance hors norme, sa grand-mère descendante de samouraïs, qui doit s'humilier à épouser un roturier, les révélations érotiques de son enfance comme l'égoutier, les participants à la fête du Matsuri ou le tableau italien de Saint Sébastien percé de flèches, mais c'est aussi l'amitié avec Kawabata, son goût pour le culturisme, le Mishima acteur, réalisateur aussi avec son court-métrage Yûkoku où il répète son seppuku etc etc.
Mais, et c'est un peu dommage, c'est une biographie et "seulement cela", c'est à dire que même si Jennifer Lesieur s'intéresse à la psychologie du personnage, essaye d'interpréter tel ou tel évènement par rapport aux démons internes de l'écrivain, le livre reste très factuel; tout ce que vous trouverez dedans existe déjà dans d'autres biographies, comme celles de John Nathan et de Henry Scott-Stokes. Mais n'est pas psychanalyste qui veut, quand on s'attaque à un ouvrage comme celui d'Hélène Piralian "Un enfant malade de la mort - Lecture de Mishima - Relecture de la paranoïa", le lecteur doit avoir un bac+5 en psy pour suivre les thèses décrites. Donc ce livre est bien plus abordable que d'autres ambitionnant d'analyser l'oeuvre ou la vie de Mishima.
Vous avez compris à la lecture de ce post que je vous recommande chaudement ce livre : il se lit comme un roman, est passionnant de bout en bout, écrit dans un style vif, pas surchargé, allant droit à l'essentiel et couvrant toutes les périodes et moments importants de la vie de Mishima. En résumé, c'est une excellente introduction à la vie et à l'oeuvre de Yukio Mishima.
4ème de couverture.
Le sommaire.
Deux pages pour vous donner une idée du style de Jennifer Lesieur.
Le 25 novembre 1970, Mishima est enfin devenu un guerrier.