Vivre de Akira Kurosawa
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"Vivre" est l'un des plus beaux films de Akira Kurosawa, celui qu'il préférait parait-il car son amour de l'humanité s'y exprime le plus.
[Attention SPOILER]
Ce film de 1952 raconte les derniers mois d'un fonctionnaire, Kanji Watanabe, qui découvre qu'il ne lui reste plus que trois mois à vivre à cause d'un cancer à l'estomac. Cet homme est fonctionnaire depuis trente ans, c'est un chef de bureau, momifié au milieu de ses centaines de dossiers. Il prend alors violemment conscience qu'il n'a plus vécu depuis la mort de sa femme, il y a plus de dix ans. Il réalise que son fils est devenu un étranger, qu'il est déjà mort depuis longtemps et cela lui fait horreur... Pris au piège, il essaye de vivre, vivre encore une dernière fois mais il ne sait plus comment faire, tout cela est si vieux. Heureusement pour lui il croisera la route de deux personnages, une sorte de vagabond puis une ancienne employée de son service qui le feront sortir de sa dépression et lui donneront la chance de se racheter à ses propres yeux.
Le rôle principal est joué par Takashi Shimura, un habitué des films de Kurosawa car il apparaît dans Rashomon et c'est aussi le chef des sept samouraïs. Cet acteur génial a trouvé là le rôle de sa vie, il vit réellement l'agonie de Watanabe; il suffit de regarder ses yeux, ses gestes, ils sont emplis de tristesse, de détresse mais aussi d'un dernier et puissant sursaut du reste de vie qui est tapi au fond de lui.
Ce film est bouleversant, je vous le recommande très fortement.
Kanji Watanabe, un fonctionnaire, chef d'un des innombrables services de la mairie de Tôkyô.
Des centaines de dossiers qui s'entassent et vous écrasent.
Le médecin ne lui dit pas qu'il a un cancer mais Kanji a compris, il est condamné.
Un homme seul, entouré de gris et de noir, à l'image de sa vie.
Un inconnu, croisé dans un bar, qui va emmener toute une nuit Kanji dans le monde de la fête et des plaisirs.
Kanji découvre le pachinko, un petit flipper vertical.
La danse.
Le sexe.
Deux photos de la plus belle scène du film. Kanji, entouré de danseurs, entonne une chanson japonaise de 1915 "Gondola no uta", triste à faire pleurer n'importe qui. Elle horrifie les danseurs car ils ont compris que Kanji est un mort vivant. La scène avec des sous-titres anglais https://www.youtube.com/watch?v=l0KkkBbkbBg et la chanson en meilleure qualité https://www.youtube.com/watch?v=Nx5M4AkIeTE. Les paroles http://en.wikipedia.org/wiki/Gondola_no_Uta.
Notre héros est seul, désespérément seul.
Pourtant il savait rire et vivre quand son fils était jeune; ici à un match de base-ball, admirant son enfant.
Ses collègues se moquent de son absence, chacun espérant prendre sa place de chef.
Son fils adulte et sa bru ne lui parlent que très peu, un mur s'est monté entre eux.
Ils se demandent bien pourquoi il ne va plus au travail et, surtout, qui est cette mystérieuse jeune femme qu'il fréquente; une maîtresse pensent-ils mais ils ont tord.
Toyo, jouée par l'actrice Miki Odagiri, va sauver Kanji par sa joie de vivre.
La vie continue; Kanji pleure sur son sort mais les amoureux autour de lui continuent de s'aimer.
Ça y est, Kanji a compris comment ne pas gâcher ces trois mois; il doit être utile aux autres, à l'instar de Toyo qui fabrique des jouets pour amuser les enfants.
Les deux photos de la scène suivante sont incroyables, c'est un ballet entre Kanji, un mort vivant qui sort d'un restaurant, et une inconnue dont les amis célèbrent l'anniversaire. Le croisement entre les deux, la vie et la mort, l'un descend, l'autre monte, montre tout le génie de Kurosawa.
Kanji a décidé d'aider des femmes qui voulaient que l'on construise pour leurs enfants un parc, où ils puissent jouer en sécurité dans la journée.
Kanji a retrouvé toute son énergie et va se battre pour construire le parc.
Le film passe ensuite de façon abrupte aux funérailles de Kanji; il est décédé de son cancer et ses collègues réunis se remémorent les trois derniers mois. Ils n'étaient pas au courant de sa maladie et se demandent pourquoi il avait autant changé, est-ce que lui savait qu'il était condamné? Chacun va raconter ses souvenirs et, petit à petit, les pièces du puzzle vont se mettre en place.
Kanji a tout fait pour que le parc soit construit, mais c'est le maire de la ville qui en a retiré tout le profit politique, en ne mentionnant même pas le rôle joué par notre héros.
Néanmoins les journalistes ont creusé et ils reprochent à ce politique d'avoir tiré à lui seul la couverture.
Mais pour les mères de famille Kanji est le seul héros, c'est lui qui s'est donné corps et âme pour que ce parc soit construit.
L'alcool aidant, ses anciens collègues vont parler et raconter les derniers instants de leur chef.
Le terrain du futur parc; il y a tant à faire.
Pour arriver à ses fins, Kanji ira jusqu'à braver la politesse japonaise et le respect dû à son supérieur; rien ni personne ne l'arrêtera.
Impensable, un subordonné ose demander au maire de revenir sur sa décision!
Même les Yakuzas n'arriveront pas à faire reculer Kanji; c'est lui au contraire, avec son regard, qui va les vaincre.
Le chef des yakuzas; avec une tête pareille personne ne plaisante mais lui aussi a été touché par la ferveur de Kanji.
Kanji restera humble jusqu'à la fin mais nul ne l'empêchera de réaliser son projet.
Kanji, juste avant sa mort; il s'amuse sur une balançoire de son parc, sous la neige. C'est là qu'on le retrouvera, mort.
Un nouveau fonctionnaire en chef a été désigné, les bonnes résolutions prises lors des funérailles de Kanji sous le coup de l'alcool sont oubliées sauf par une personne... mais que peut-il faire tout seul? Lui aussi va se faire écraser par la paperasserie.
Le parc rêvé par Kanji, pour les enfants du quartier.