Tenshi no Tamago (l'Oeuf de l'Ange) : chef d'oeuvre hermétique de Mamoru Oshii et Yoshitaka Amano

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L'Oeuf de l'Ange (Tenshi no Tamago) est un film d'animation japonais de 1985. Il fut réalisé et scénarisé par Mamoru Oshii et la direction artistique fut confiée à Yoshitaka Amano, célèbre illustrateur des années 80 et 90.
Durée : 1h11 (oui, c'est court).

Je vous préviens de suite, l'intrigue est confuse : une fillette craintive et silencieuse, transportant un oeuf, voyage dans un monde menacé par un nouveau déluge. L'oeuf est caché sous sa robe, la faisant paraître enceinte malgré son âge. Un jeune homme croise son chemin, armé d'une très longue épée en forme de croix. Il va l'accompagner dans son périple, curieux du contenu de l'oeuf. 

Dans un village quasi-déserte ils rencontrent des pécheurs à l'allure d'automates, chassant avec des harpons les ombres de coelacanthes géants. Une armée de chars stationne là, rares traces de couleurs dans ce monde à l'agonie. Ils se réfugient ensuite dans une église où trône sur un mur, majestueux, le fossile d'un animal ailé, sorte d'ange d'aspect bestial. Le jeune homme décide de briser l'oeuf pendant le sommeil de l'enfant. A son réveil, folle de douleur, celle-ci s'enfuit en courant et chute dans la mer. Elle y rencontre son double plus âgée puis expire l'air de ses poumons pour donner naissance à une multitude d'oeufs avant de mourir par noyade. 

Dans le film, plusieurs oeufs transparents révèlent leur contenu, ils renferment des oisillons hideux alors qu'il existe un très beau vitrail d'un phénix, l'oiseau mythique symbole de la renaissance; que symbolise-t-il? le monde? l'homme qui va survivre à cette catastrophe surnaturelle? Sur le vaisseau sphérique du début, une nouvelle statue est apparue : c'est la jeune fille qui, en décédant, a rejoint son Dieu pour le servir. Est-ce elle l'ange du titre? peut-être... Cette entité organico-technique va déclencher le deuxième déluge avec ses pleurs; Dieu détruit et purge sa création mais pour punir et réparer quelles fautes? Les hommes vont-ils disparaître et laisser la place à une nouvelle espèce dominante, les oiseaux des oeufs ou bien les anges comme celui fossilisé dans l'église ou encore autre chose? 

A la fin, nous découvrons que ce monde est en réalité un minuscule astéroïde, de forme ovale, complètement perdu dans l'immensité de l'espace.


Ce film déroutant comporte très peu de dialogue, ce qui bien évidemment n'aide pas à sa compréhension. Visuellement l'oeuvre est superbe, nous noterons surtout que la chevelure de la fillette est extrêmement vivante; il parait que Oshii demanda à ce que les cheveux soient dessinés sur les cellulos sur l'autre face que celle du visage, créant ainsi un effet déroutant. A noter aussi l'absence de couleurs vives; seule exception, le vitrail d'une église avec un phénix multicolore; étrange rencontre entre une église chrétienne et la mythologie grecque. Les décors baignent dans une ambiance de fin du monde, tout y est très sombre, ce monde meurt, il emmène avec lui sa vitalité jusque dans les couleurs absentes et les hommes transformés en robots sans visage.

La religion chrétienne est omniprésente dans ce film.

• il s'intitule "L'Oeuf de l'Ange"; pour rappel, les anges sont les messagers de Dieu
• le vaisseau spatial du début est un Dieu observateur, c'est un oeil gigantesque, qui juge et détruit sa création
• le jeune homme a sur son dos une épée en forme de croix ou de crucifix, il a les deux mains bandées comme s'il avait été crucifié tel Jésus
• le fossile de l'oiseau géant dans l'église ressemble à l'imagerie populaire des anges
• les protagonistes trouvent refuge dans un bateau rappelant l'arche de Noé
• un arbre gravé dans un mur rappelle l'arbre de la vie de la Genèse

Visionner ce film est plus une expérience artistique et sensorielle, limite mystique, que regarder un film tout-venant, facilement analysable. Cette oeuvre est mythique pour les fans de japanimation en France des années 80 et 90, il était la preuve que l'animation japonaise pouvait être du niveau d'un Disney dans ses ambitions artistiques et faire des oeuvres adultes. Mais il y a aussi son hermétisme, digne d'un Evangelion et d'autres films de Mamoru Oshii, sa volonté de ne rien expliquer, de déconcerter et de bousculer le spectateur dans ses habitudes qui font que ce film est si connu et apprécié.

Film énigmatique, ésotérique, poétique, exigeant et déconcertant, il mérite pleinement le qualificatif de chef d'oeuvre, tel "2001 l'Odyssée de l'Espace" et vous emmènera dans un long voyage.

Le Dieu de cet univers, oeil géant sur un horizon couleur sang. C'est lui qui déclenche un nouveau déluge par ses pleurs. Au premier plan un instrument technique, un damier de jeu d'échecs... tout est étrange ici.

Dans ce film le monde est froid, déserté, prêt à s'effondrer pour finalement disparaître sous les eaux. A un moment apparaissent des sortes de chars, colorés, en opposition donc avec le monde gris mais impossible d'en savoir plus : armée ennemie envahissant le pays, armée charge d'évacuer les civils face au déluge... L'horizon est rouge sang, la mort approche.

La fillette en charge de l'oeuf : de très long cheveux blancs ou platine, un air triste, effacé.

Le sacrifice : l'enfant se noie et donne naissance à d'autres oeufs.

A la fin, elle rejoint Dieu comme statue ou ange au pied de son trône.

Le jeune homme, avec son arme en forme de croix ou de crucifix, ses paumes saignantes. C'est lui qui va forcer l'éclosion de l'oeuf.

Les pécheurs zombies d'ombres poissons.

L'arbre de vie de la Genèse?

Le fossile d'un ange?

Une nouvelle arche

L'astéroïde flottant dans l'espace.

Un oisillon et le vitrail d'un phénix, oiseau de feu qui va peut-être naître, paradoxalement, dans un monde né d'un déluge donc un monde d'eau.